Vers une relance qui tient compte de la diversité

Isabelle Naessens

30 mars 2021

5 minutes

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain, en collaboration avec Femmessor, était l’hôte du premier forum stratégique sur la diversité entrepreneuriale qui s’est tenu en mode virtuel le 26 mars dernier. Voici les faits saillants des discussions orientées vers la nécessité d’un écosystème entrepreneurial plus inclusif pour la relance.

Plus d’une vingtaine de panélistes, dirigeants politiques, entrepreneurs et représentants d’institutions financières se sont réunis au Palais des congrès de Montréal pour traiter de sujets divers: le financement, les leviers de la réussite, les meilleures pratiques et les défis. Un consensus s’est formé quant à l’importance d’un écosystème entrepreneurial plus représentatif. Le temps est venu de passer à l’action afin que la relance à venir soit réellement inclusive.

L’accès au financement, le nerf de la guerre

Lors de son intervention, Tania Sabba, titulaire de la chaire BMO -Diversité et gouvernance, a touché un point névralgique structurel. Les personnes issues de la diversité (femmes, personnes handicapées, LGBTQ+, immigrantes, autochtones et les minorités visibles) travaillent majoritairement dans des secteurs jugés plus vulnérables et à risque par les institutions financières: les commerces de détail, les entreprises du secteur des arts, de la santé, de l’hébergement et de la restauration. La pandémie a d’ailleurs touché fortement ces secteurs et accentué les clivages.

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Sévrine Labelle, PDG de Femmessor.

Les intervenants du panel intitulé Écosystème de financement au service de la diversité entrepreneuriale ont mis au jour un frein évident:  les biais cognitifs existent encore au sein des institutions financières. Catherine Desaulniers Lamy, directrice Investissement chez Desjardins Capital et Wills Theagene, directeur à la Caisse de dépôt et placement du Québec, se sont engagés à rétablir la confiance en amenant la diversité au sein même de leurs équipes. « Il faut que les institutions financières en fassent une priorité dans leurs plans stratégiques. Nous l’avons fait et avons inclus des indicateurs de performance pour mesurer la progression », a précisé Sylvie Pinsonnault, première vice-présidente, Stratégies et solutions d’affaires chez Investissement Québec.

La reconnaissance des compétences

Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, M. Jean Boulet, était présent à l’ouverture du forum. Les entrepreneurs ont salué sa réactivité face à la crise en souhaitant que l’aide perdure. Pour mieux comprendre les enjeux de la diversité, M. le ministre demande des données claires. Cathy Wong, membre du comité exécutif (Diversité, inclusion en emploi, langue française, lutte au racisme) à la Ville de Montréal, a précisé que « 65% des personnes immigrantes prennent un an avant de trouver un premier emploi à Montréal ». Elle a ajouté que « la moitié des personnes immigrantes travaille dans un domaine qui ne correspond pas à ses compétences ».

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Cathy Wong, conseillère à la Ville de Montréal
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Jean Boulet, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Solidarité sociale

Le ministre Boulet a parlé de faciliter l’accès à la reconnaissance des compétences pour que le Québec soit davantage une méritocratie. Il a également suggéré des passerelles de requalification et l’établissement d’une culture de formation dans les entreprises.

L’importance de s’entourer de bons partenaires

L’Indice entrepreneurial québécois continue de révéler chaque année l’intention soutenue des femmes et des personnes immigrantes à entreprendre. Payam Eslami, directeur général d’Entreprendre ici, rappelle qu’« il existe tout un écosystème de ressources méconnues et sous-utilisées, notamment pour le démarrage en entreprise ».

Souad Elmallem, associée exécutive chez 6temik, explique que pour contenir la crise et pivoter, elle s’est entourée d’experts. « Il faut rester humble et utiliser les leviers mis à notre disposition. Ne pas juste aller chercher une aide financière, mais aussi l’expertise nécessaire pour faire passer notre entreprise à un niveau supérieur». Son expérience illustre le titre du panel auquel elle a participé, L’inclusivité, un facteur de résilience.

L’importance des réseaux 

Ruth Vachon, PDG du Réseau des Femmes d’affaires du Québec, explique que « les femmes sont tellement concentrées sur leur entreprise à l’interne qu’elles ne développent pas suffisamment de réseau à l’externe ». Gabriel Bran Lopez, président fondateur de Fusion jeunesse, un des cas à succès présentés, est aussi de l’avis qu’il faut sortir et communiquer: « Donnez-vous des occasions de parler de votre entreprise et de faire des rencontres qui peuvent mener à quelque chose de grand ». C’est en partageant son projet à la radio qu’il a rencontré les personnes qui allaient devenir ses mentors  et permettre à son entreprise d’aller au-delà de ce qu’il pouvait imaginer.

 « Il y a un rôle que les gouvernements doivent jouer, une transparence dont les institutions financières doivent faire preuve, un engagement des grandes entreprises, mais aussi une participation des plus petites entreprises. Un écosystème inclusif se bâtit ensemble. » – Déborah Cherenfant, directrice régionale, Femmes entrepreneures, du Groupe Banque TD et présidente et porte-parole de la Jeune Chambre de commerce de Montréal.

La diversité dans les entreprises est une richesse, une valeur ajoutée. « Il y a tout un potentiel à cueillir, lance Sévrine Labelle, PDG de Femmessor. Inclure tous les visages de la société montre l’agilité de l’entreprise, sa capacité à pivoter et à saisir les occasions dans un monde mouvant ». Les intervenants concluent qu’elle est rentable pour les institutions financières, les entreprises et la société.

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Conclusion et ouverture 

Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, résume la conjoncture: « On est dans une dynamique de rattrapage historique qu’il faut accélérer maintenant si l’on veut que la relance soit inclusive et durable ». Pour atteindre le plein potentiel du Québec et ne pas reconstruire une société bancale, il réaffirme que « cette fois, il ne faudra laisser personne derrière. En espérant que l’année de la pandémie soit celle où nous avons amorcé des chantiers qui ont fonctionné ». Ce à quoi Danièle Henkel, présidente et fondatrice des Entreprises Danièle Henkel Inc., a répondu simplement « Commençons par montrer l’exemple. Pas parce que c’est ce qu’il le faut, mais parce que c’est la chose à faire ».

À propos de l'auteur(e)

Isabelle Naessens

À propos de Isabelle Naessens

Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.