Son Vuong Do : de réfugié à entrepreneur en série

Isabelle Naessens

19 juillet 2021

5 minutes

Faire le saut en entrepreneuriat quand on vient d’ailleurs comporte son lot de défis. Se lancer en affaires au Québec, réussir et même recommencer, voilà ce qu’est parvenu à réaliser Son Vuong Do, un jeune entrepreneur Vietnamien qui a n’a pas froid aux yeux. Il vient d’ouvrir un nouveau restaurant en région, un pari dans le contexte actuel. Voici son histoire à succès.

Sur un bout de comptoir, Son prépare sur commande les traditionnelles baguettes Banh Mi avec la sauce de poisson, le tamarin et la coriandre. Sa femme occupe l’espace juste à côté, affairée à la préparation des smoothies et thés aux perles de tapioca et à la gelée de coco, communément appelé bubble tea. Le Bella Bubble Bar a ouvert ses portes en mai 2021 à côtés des cafés et boutiques branchées du Centro de Sherbrooke. Il fait la part belle aux saveurs de la terre natale du couple propriétaire. Son a aussi décidé de ramener de chez lui un concept populaire : le bar à crème glacée libre-service. Et pour sublimer les 26 parfums, il offre un inventaire à faire frémir les parents et ravir les petits : fraises Tagada, réglisses multicolores, serpents acidulés, pretzels au chocolat, et caramels de toutes sortes. Un concept qui lui vaut déjà un bel achalandage. On voit bien que Son n’en est pas à sa première aventure.

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Résilience et travail

« J’aime l’argent », me dit Son Vuong Do, sans malice aucune. C’est probablement la juste rétribution des survivants qui, privés de tout, n’ont plus peur de s’afficher et de faire valoir leur ticket pour le succès. Il y a 30 ans, avec son frère aîné et son père, le jeune Son, six ans, prenait la mer sur une embarcation de fortune, laissant derrière lui sa mère et ses quatre autre frères. Après trois années dans un camp de réfugiés en Thaïlande, ils ont obtenu un laisser-passer pour le Canada. L’histoire de ceux à qui on a attribué le nom de boat people est souvent tragique, « on est à peine 20% de survivants », confirme Son qui lui, a choisi de réécrire la sienne autrement.

Sitôt arrivé à Sherbrooke, le père a fait venir le reste de la famille. Personne ne parlait français. Les parents ont trouvé de l’emploi auprès de couturiers. « Et moi, je distribuais La Tribune du haut de mes 10 ans! », se souvient Son avec fierté, qui a toujours été très travaillant. Dans le camp de réfugiés, âgé de sept ou huit ans, il se faisait rétribuer pour ses commissions. « Quand j’ai eu 12 ans, j’allais cueillir des pommes, des salades, et des échalotes l’été sur la Rive-Sud de Montréal. J’étais payé au panier ou à la douzaine ». Son a pris goût à ce que le travail pouvait apporter en retour.

Avoir la fibre entrepreneuriale

L’adolescent a décidé de quitter l’école pour travailler en restauration, un domaine qui l’interpellait. « J’ai été serveur, puis je suis entré dans les cuisines, raconte-t-il. Là, j’ai eu le coup de foudre. Je suis monté rapidement. Trois mois plus tard, je suis devenu aide-cuisinier, et chef en moins de deux ans! ». Il a évolué dans plusieurs institutions avant de se lancer. À 22 ans, il a ouvert son premier restaurant. Mais sa fougue lui avait joué des tours : « J’étais pressé, je n’avais pas pris le temps de bien choisir l’endroit, admet-il. Après un an, j’ai revendu et je suis passé à autre chose ». Il n’a pas baissé les bras et a acheté avec son grand frère un autre restaurant. Puis un autre, avec un ami qui faisait des sushis. Et un autre, un bar karaoké. Épuisé par les horaires, il quittait la restauration, achetait un camion et devenait livreur. « Je n’ai jamais perdu au change, explique Son. Ce sont toutes des expériences qui m’ont mené là où je suis aujourd’hui ».

La restauration demeure son amour de jeunesse. Il y revient avec passion, ainsi qu’avec une épouse et de jeunes enfants. Bella, le nom de son restaurant est le prénom de sa fille. Son est retourné au Viêt-Nam après avoir rencontré sa future femme. Il est retourné à ses racines quelque temps, mais le Québec était accroché à son cœur. « Ici, je peux démarrer ce que je veux, j’ai la possibilité de réaliser tous mes projets, confie-t-il. L’entrepreneuriat me démontre que je suis capable de réussir ».

 

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C’est justement avec l’idée d’ouvrir un restaurant qu’il revient avec Tran qui s’occupera du service avec lui et de la comptabilité, comme elle le faisait dans l’entreprise familiale d’élevage de crevettes. « Il fallait que j’ajoute une crèmerie à mon resto, raconte Son, heureux. Je me souviens, j’avais quatre ans et demi et c’était le nouvel an. Les adultes m’avaient donné de l’argent et je suis allé voir le marchand de crème glacée dans la rue. Je me suis assis à côté de lui et j’ai dévalisé son tuk tuk. J’ai été son unique client de la journée! J’ai tout acheté! ». Excellente idée puisque son bar à crème glacé libre-service fonctionne tout aussi bien que son offre de produits Vietnamiens. Le Bella Bubble Bar est une ode à ses origines, mais aussi un projet de famille, des souvenirs d’enfance, et le rêve de nouveaux possibles. Le propriétaire est ravi du succès depuis l’ouverture : « ce n’est que le début! Je pense déjà à ouvrir des franchises l’année prochaine », lance-t-il, l’œil brillant.

À propos de l'auteur(e)

Isabelle Naessens

À propos de Isabelle Naessens

Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.