
Me Patricia Chamoun
Conseils juridiques et d’affaires
Depuis le début de la pandémie, nous recevons de nombreuses questions de la part des entreprises qui doivent prendre des décisions déchirantes quant au maintien à l’emploi de leur personnel. Certaines d’entre elles connaissent des difficultés financières importantes et d’autres sont sur le bord de la faillite. Avec l’annonce du gouvernement de la reprise graduelle des activités de plusieurs entreprises et commerces, l’employeur devra se pencher sur le statut de son employé post COVID-19.
Comment s’y retrouver, tout en respectant les droits et responsabilités de chacun? Nous avons regroupé pour vous, les questions les plus fréquentes de nos clientes entrepreneures. Nous y répondons à la lumière de la Loi sur les normes du travail du Québec (« Loi ») et de la jurisprudence*.
Écrit avec la collaboration de Me Cristelle Sary
Quelle est la différence entre le licenciement, la mise à pied temporaire et le congédiement ?
LICENCIEMENT: l’employeur rompt définitivement le lien d’emploi avec son employé pour des motifs, notamment, économiques, de difficultés financières, d’innovations technologiques ou de fusions de postes.
Est-ce qu’un employeur peut justifier le licenciement d’un employé dans le contexte actuel du COVID-19? Tout n’est pas aussi noir ou blanc. Il faut faire une évaluation au cas par cas selon chaque situation. Cependant, si l’entreprise n’est pas en mesure de continuer ses activités durant la période de fermeture, de confinement et de distanciation sociale actuelle, et qu’elle est en mesure de démontrer que ses activités sont réduites significativement, à ce moment-là, le licenciement peut possiblement être justifié.
MISE À PIED TEMPORAIRE : L’employeur suspend de façon temporaire son contrat de travail avec l’employé. Celui-ci pourra être rappelé au travail. Il conserve son lien d’emploi pendant la durée de la mise à pied et sa relation contractuelle est maintenue. Selon la législation, des conditions s’appliquent selon la durée de la mise à pied sinon une mise à pied peut être réputée un licenciement ou un congédiement.
CONGÉDIEMENT : L’employeur rompt définitivement le lien d’emploi pour des raisons comme le manque de compétences de l’employé ou son comportement inacceptable. Cette mesure doit s’appuyer sur des motifs sérieux et une cause juste et suffisante, c’est-à-dire que l’employeur qui l’exécute doit le faire en raison d’une faute grave comme l’insubordination, l’incompétence ou un manquement grave du salarié à son obligation de loyauté. En cas de litige, l’employeur doit démontrer la cause juste et suffisante du congédiement ou payer l’indemnité nécessaire.
La pandémie peut-elle être définie comme une force majeure?
Selon le Code civil du Québec et la jurisprudence, la force majeure est un événement imprévisible et irrésistible. La CNESST donne comme exemple de force majeure l’incendie. C’est-à-dire un cas fortuit que l’employeur ne peut pas prévoir. Cependant, chaque situation de licenciement ou de mise à pied qui invoque la force majeure doit être analysée rigoureusement à la lumière de ses faits.
Actuellement, il s’agit de la mesure qui semble la plus utilisée par les employeurs, surtout dans ce contexte d’incertitude économique où il est difficile d’établir la date de retour aux activités régulières de l’entreprise. Une mise à pied temporaire permet à l’employeur d’évaluer la soutenabilité économique de l’entreprise de façon régulière. Elle peut ainsi estimer ses besoins en ressources humaines et les conséquences directes des cessations d’emploi sur sa production et prendre des décisions concrètes sur la mobilisation de ses employés à court et moyen terme. Cependant, si l’impact du contexte actuel peut mettre en danger la solvabilité de l’entreprise, l’employeur peut considérer le licenciement d’employés.
Comment être un bon citoyen corporatif?
Avant de passer au licenciement sans avis de cessation, l’employeur doit regarder les programmes et mesures d’aide offerts par le gouvernement provincial et fédéral. Par exemple, la subvention salariale d’urgence du Canada et le programme PACME sont mis en place afin d’aider les employeurs à maintenir leurs employés en poste pendant la crise de la COVID-19 et pour assurer leur continuité à la suite de la réouverture graduelle des activités de leurs entreprises.
Être bon porte ses fruits. La crise va passer et les employeurs auront besoin de bons employés lors du retour aux activités régulières. Nous suggérons de mettre en place des mesures de communication avec les employés, en faisant des suivis par courriel, par téléphone ou par visioconférence pour passer ses messages et sa vision afin que les employés ne se sentent pas dans le néant.
Donc, il est préférable que l’employeur essaye de conserver ses employés soit par la mise à pied temporaire, soit par l’utilisation des programmes et mesures d’aide gouvernementaux, car le licenciement n’est pas toujours la meilleure solution bien qu’elle puisse soulager, financièrement et temporairement, les employeurs dans le contexte actuel.
Assurez-vous de consulter votre avocat en droit du travail pour vous aider à trancher ces questions et de vous accompagner dans vos demandes aux différents programmes et mesures d’aides mis en place, en cette période qui met au défi même les entreprises les plus solides. Obtenir un avis juridique sur mesure adapté à votre situation et votre secteur d’activité minimise le risque de litige éventuel.
*Notez cependant que la jurisprudence joue un rôle important dans l’analyse juridique et peut donner des droits différents et plus larges que ceux prévus par la Loi.
Mes obligations comme employeur
Dans le cadre d’un licenciement ou d’une mise à pied temporaire de plus de six mois, l’employeur est dans l’obligation de donner un avis écrit de cessation d’emploi à son employé qui compte au moins trois mois de service. Cet avis doit contenir ces informations essentielles:
1. Il doit prévoir un délai de départ de l’employé. En vertu de la Loi, le délai entre l’avis de cessation et le départ de l’employé varie selon le nombre d’années de services continu. Ce délai peut aussi être différent selon la jurisprudence applicable à chaque situation; et
2. Le motif de la cessation d’emploi.
Si l’employeur ne remet pas d’avis de cessation d’emploi ou ne le remet pas dans les délais prévus, il devra payer une indemnité compensatrice.
Rappelons qu’en ces temps difficiles, l’employeur devrait agir en bon citoyen corporatif. Cela veut dire qu’il doit, dans le contexte des médias sociaux et de la propagation de l’information à la vitesse grand V, être socialement responsable en pesant chaque action vis-à-vis de ses employés et de sa communauté. Les employeurs doivent avoir la volonté de prendre de bonnes initiatives afin d’avoir un impact positif dans la société.

Cette rubrique ne constitue pas un avis juridique. Veuillez consulter un(e) avocat(e) qui exerce en droit du travail pour obtenir des conseils ou un avis juridique si vous faites face à une situation ou une question semblable à celles présentées ci-dessous. Chaque situation est distincte et particulière, selon son contexte et les faits applicables. Les réponses ci-dessous sont générales dans le contexte d’un employeur et d’un employé sous la juridiction québécoise.