Zina Ibnattya, la jolie jeune femme à la tête de Maison Bouliche, fait plus que confectionner des friandises à la mode au chocolat ou au café. Avec courage, la petite Marocaine, Québécoise d’adoption, s’est plongée dans la pâtisserie corps et âme après ses études en commerce. Dans le pur sens étymologique du mot courage, elle accueille ce qui émerge, et agit avec cœur.
Longtemps, elle a fait la guerre au sucre. Aujourd’hui, elle a fait la paix et a transcendé son malaise. Elle se guérit, et guérit d’autres jeunes filles en même temps. Parler anorexie avec la pâtisserie? Pas si contradictoire que ça! L’entreprise à impact social vend des boules d’amour et lutte à sa façon contre les troubles alimentaires.
Comme dirait Yvon Chouinard, qui à 83 ans vient de faire don de Patagonia (dont les profits s’élèvent à 100 millions de dollars par an) : « Une entreprise peut produire de la nourriture, soigner des maladies, contrôler la démographie, employer des gens, et de façon générale, enrichir nos vies. Et elle peut faire des profits sans perdre son âme. » Voyons comment la belle Zina y parvient.

Raconter son histoire
« Un jour, on m’a invité à parler de mon entreprise devant des élèves d’une école secondaire. À la fin, plusieurs jeunes filles sont venues me voir pour me remercier. Elles se reconnaissaient dans mon histoire. Elles étaient inspirées à aller de l’avant et apprivoiser ce grand mal-être que nous sommes si nombreuses à vivre avec notre corps.
C’est le plus beau cadeau que mon projet ait suscité, ma plus grande réussite! L’école m’a rappelé pour que je revienne sensibiliser les jeunes face aux troubles alimentaires. Dès lors, je me suis focusée sur tout l’impact social que pouvait avoir mon entreprise. À chaque mois, je verse un pourcentage de mes profits à l’Institut Douglas qui m’a aidé à me sortir de l’anorexie ».
Zina est tombée gravement malade en 2017. Elle était en sous-poids sévère, elle tombait dans les pommes. Elle a été hospitalisée à plusieurs reprises.
En même temps, elle allait aux HEC. Elle était impliquée dans plusieurs associations. Elle participait à des levées de fonds et elle organisait toutes sortes d’événements caritatifs. « J’ai réalisé que ce qui attirait le plus les gens vers les stands pour qu’on puisse leur parler, c’était de leur offrir un petit quelque chose d’appétissant! Je me suis mise à faire des cupcakes et des petites bouchées le soir et les weekends. Mes amis appelaient ça « les bouliches à Zina. »
Pourtant à l’époque, le sucre était banni pour moi. Mais dans la cuisine, je retrouvais un sentiment de paix profonde, de laisser-aller, de grande créativité. C’était thérapeutique. J’oubliais que j’étais malade. Peu à peu, je réalisais que ce n’était pas juste une question de calories. Que d’offrir ces desserts rapprochait les gens, rendait heureux. Ironiquement, je me suis découvert une passion pour la pâtisserie à ce moment-là, et je me suis guérie. »

Tomber dans la marmite
Zina avait trouvé une avenue qui lui permettait de rendre les gens heureux. Elle faisait des bouliches à tout va! Puis, les gens se sont mis à lui en demander pour des événements de plus grande envergure, et voulait la payer. Pourtant, elle avait le syndrome de l’imposteur : « je n’osais pas fixer de prix : je faisais ça par amour! Et puis, je n’étais pas pâtissière! Comment être crédible? »
Elle a alors fait un stage de six mois au Ritz pour apprendre la pâtisserie. Ce qui allait confirmer sa passion. « Ça m’a ouvert les yeux. J’aimais la pâtisserie, mais je ne voulais pas devenir pâtissière. Je voulais être entrepreneure en pâtisserie. »
Forte de ses études en commerce, l’entrepreneuriat prenait naturellement le dessus. Elle s’est dit qu’elle ferait les choses en bonne et due forme : établir une liste de produits, de prix, de fournisseurs, prendre des photos, monter un site web, etc. « Si on revenait me voir, c’était que les gens étaient à l’aise avec mes prix ».

Lancer son business
En janvier 2022, à 25 ans, elle retourne voir les HEC, sa safe space, et applique sur des programmes d’incubation. « J’ai été prise! Pour moi, c’était le signe que je devais me lancer à temps plein dans mon projet. »
Elle s’est sentie bien entourée, soutenue, encouragée à poursuivre sérieusement. L’incubateur lui a donné des ailes. De sa vision initiale, la vente de ses bouliches à des particuliers, elle s’ouvre aux entreprises, en B2B. Elle a notamment démarché des cafés et le secteur de l’événementiel, refait son branding, changé de nom, créé une présence sur les réseaux sociaux, appris à faire des pitchs de vente et s’est officiellement enregistrée.
L’incubateur lui a confirmé que son entreprise était résolument à impact social. « Ton impact est beaucoup plus grand que tu ne le penses, lui ont-ils dit. Tu sensibilises les gens par rapport au fait que c’est correct de manger des aliments qui, même s’ils ne nourrissent pas forcément le corps, nourrissent l’âme. C’est un baume pour tous ces gens qui souffrent de troubles alimentaires. »
Aujourd’hui, même s’il me reste des séquelles, je suis plus à l’aise de raconter mon histoire, je l’ai apprivoisé. Ce n’est plus aussi tabou. Et si ça peut aider quelqu’un qui passe par là, ou éviter à quelqu’un de passer par là, alors j’aurai tout gagné.
Ne dit-on pas qu’il faut savoir prendre les hommes par le ventre?! Que ça soit du ventre au cœur, ou du cœur au ventre, Zina en a à revendre!