Les restos ne sont pas morts !

Isabelle Naessens

22 septembre 2022

5 minutes

Choquante affirmation, qu’il convient néanmoins de circonscrire pour ne pas se faire tirer dessus par ceux qui en ont bavé ces dernières années : la culture gastronomique est encore bien vivante au Québec, mais elle se transforme. Le fameux #achatlocal a fini par payer. Les réseaux se sont tissés, surtout en région : fermiers, maraîchers, traiteurs, sommeliers et restaurateurs se serrent les coudes, ensemble. Les circuits courts sont à l’honneur et l’étincelle est revenue dans leurs yeux. 

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D’un stand à l’autre, ça placotait, un verre à la main de Bal des oiseaux, de la Maison agricole Joyhill, quand ce n’était pas une Grisette blonde artisanale de Dunham ou du cidre fleuri d’églantine. Ils avaient l’air des meilleurs copains du monde, même dans le jus, à faire griller, assaisonner, dresser, servir. Toujours un clin d’œil chez le voisin, des sourires échangés. Des enfants qui courent en travers. Un violoncelliste et un guitariste, Georges Ouel, avec des airs de Brassens. Des pits à feux aussi, pour cette première soirée d’automne. Ce tableau, c’est celui du Pop-up des fermes et restos de Brome-Mississquoi.

Véritables artisans de la transformation 

Jérémie Postel est un amoureux de la forêt. Il est guide de plein-air, éducateur en environnement, traceur de pistes, aménagiste de montagne, arboriste grimpeur. La nature, il en mange! 

Et le jeu de mots n’est pas anodin. Car Jérémie est aussi le plus important producteur de miel macéré au sapin du Québec. Son savoir traditionnel en botanique et tout le patrimoine transmis et accumulé au fil des années sont au cœur de son entreprise gourmande responsable qui propose des produits forestiers fabriqués à petite échelle avec des artisans au savoir-faire précieux. 

Je souhaite du fond du cœur toucher les gens en leur faisant découvrir les saveurs sauvages afin de protéger nos forêts et nos arbres.

Transformateurs passionnés, ils le sont tous. Jeunes, et beaux. Pères de famille, hipsters dévoués ou couples aguerris. « On veut que le restaurateur retrouve le feu qui l’anime, a expliqué Sandra Jarry, l’une des associés de La Famille, buvette de village, mais aussi instigatrice et organisatrice du pop-up depuis deux ans. Ça inclut de s’allouer du temps pour lui, pour sa famille, au lieu d’être constamment sous pression. 

Il faut redorer le blason de ce métier, qui est exigeant, le rendre viable et sain, et lui ôter l’idéalisme qui fait que tant de petits restaurants ouvrent partout et ferment rapidement… On le savait déjà avant la pandémie, qu’il était temps de réinventer le modèle qui commençait à s’effriter. Être restaurateur (…) c’est à la fois savoir transformer et valoriser les produits, mais aussi être un bon gestionnaire, avoir une tête sur les épaules (…) et surtout, être un vrai passionné! » Ce qu’acquiesce avec véhémence l’un des propriétaires du récent Dunham Smokehouse : « Faut vraiment aimer ça pour faire 90/h semaine! » Il faut dire aussi qu’il est propriétaire du premier  BOHO boutique-hôtel au Québec, qui est au-dessus de la populaire Brasserie Dunham, et qu’il a participé à la création de l’espacedunham et son beergarden. Lui aussi, il en mange!

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Pain au lait, ricotta, piments habanada et capicole fumé. La Famille, Buvette de village

Alors, ça donne des œuvres d’art comme celle ci-contre, mais aussi un tartare de boeuf, émulsion aux piments fermentés et champignons marinés du Comptoir Moutarde, ou les ficelles de zucchinis, poivrons brûlés marinés, oignons frits, noisettes et salade de radis et céleri de l’Archipel

Partenariats locaux

Pour l’événement, mais aussi dans leur travail quotidien, le Smokehouse est jumelé avec Pâturages du Lac-Brome et la Coop de solidarité des Jardins du pied de céleri, Pittnik de Bromont avec les potagers des Nues-Mains de Sutton, La Famille avec la ferme Paloma de Saint-Armand et le 45e Parallèle de Stanbridge, ect. Cultivateurs, éleveurs biologiques et cuistots entremêlés dans une joyeuse et fière sarabande pour mettre en valeur toute la richesse de notre terroir, patrimoine culinaire à faire valoir. 

« Ces restaurants sont dits « hyperlocaux » comme ils s’approvisionnent de façon locale à l’année. Ils collaborent et investissent directement dans les fermes à échelle humaine qui sont à proximité. Les créateurs culinaires sont les alliés, les porte-paroles et les vitrines par excellence des produits et du travail acharnés des fermes maraîchères et producteurs avec lesquels ils travaillent », peut-on lire sur le site du Pop-up.

« C’est fabuleux, explique Jérémie. J’arrive de France où la culture des petits marchés et l’entraide entre producteurs et restaurateurs existe depuis toujours. Il reste tant à faire au Québec et l’avenir agroalimentaire est plein de belles promesses. »

Le CLD de Brome-Mississquoi lance d’ailleurs à la fin du mois son guide d’approvisionnement local destiné en premier lieu aux entreprises de l’écosystème alimentaire local, puis aux consommateurs. « Ça fait plus d’un an que je suis sur le projet, raconte la coordonnatrice Leslie Carbonneau avec des étoiles dans les yeux. J’en ai recensé 220 jusqu’à présent, et je viens de parler à deux cultivateurs qui ne s’y trouvent pas encore! » Il va aussi falloir gérer cette belle croissance à un moment donné et aider tout ce beau monde là pour la mise en marché, confirme Jérémie.

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Potager des nues mains, Sutton

De la ferme à la table. Relations durables avec les producteurs. Circuits courts. Agriculture de proximité écologique. Fermes biologiques à échelle humaine. Traçabilité et authenticité des produits. Créateurs passionnés et responsables. Local. Hyper-local, même. Une utopie ? Dans la région de Brome-Mississquoi, elle est en train de devenir une réalité, et le pop-up est sa vitrine naturelle. Un bel exemple à suivre. 

À propos de l'auteur(e)

Isabelle Naessens

À propos de Isabelle Naessens

Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.