Les restaurateurs après-sinistres, aussi sur la ligne de front

Mélissa Proulx

15 mai 2020

5 minutes

Les restaurateurs après sinistre ont été reconnus comme offrant un service essentiel depuis le début de la pandémie. Nancy Raymond, présidente de Steamatic, plaide pour une plus grande reconnaissance de leur apport. Entrevue en cinq temps.

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1. Tout d’abord, comment vivez-vous cette crise? Comment ça se passe dans votre réseau de franchises?

Il a d’abord eu beaucoup d’insécurité. Je ne connaissais pas l’ampleur de la crise au départ. Je compatissais avec des amis entrepreneurs qui mettaient des employés à pied. Lorsqu’elle nous a frappés à notre tour, ça a été difficile de mettre au chômage la moitié de mon personnel au siège social.

Les annonces du gouvernement venaient avec leur lot d’ambiguïtés en ce qui a trait aux services essentiels. Les entreprises de restauration après-sinistre l’étaient-elles? Étant donné que cette décision était régie provincialement, on a dû faire de la représentation dans chaque province canadienne pour tenter d’obtenir une réponse. Après quelques jours à multiplier les appels, on a finalement appris qu’on nous considérait comme service essentiel, mais pour les interventions d’urgence seulement.

2. Comment avez-vous fait pour soutenir vos propriétaires franchisés? Car ils sont eux aussi confrontés à beaucoup d’incertitude…

La première chose a été de leur offrir du coaching à travers une série de capsules quotidiennes. On leur offrait des outils pour rassurer leurs employés de première ligne qu’on surnomme nos “soldats”. Tout a rapidement été mis en place pour assurer la santé et la sécurité au travail avec de l’équipement, des protocoles, etc. Des franchisés voyaient leurs employés séduits à l’idée de rester à la maison, en sécurité, avec la PCU plutôt que rentrer travailler. La meilleure clé a été de les mobiliser et surtout de bien communiquer en toute transparence, car nous n’avions pas toutes les réponses.

Au siège social, on s’est aussi donné la mission de toujours rester à l’affût des initiatives gouvernementales et des institutions bancaires afin d’informer nos franchisés des programmes et mesures d’aide qui s’offraient à eux.

3. Avez-vous encore peur pour certains de vos franchisés?

Oui, j’ai encore peur. En offrant que les services pour les interventions d’urgence, plusieurs d’entre eux ont vu 50% de leur chiffre d’affaires s’arrêter. Maintenant avec la reprise des chantiers de construction, nous pouvons envisager un retour à la normale éventuellement, et je dis éventuellement, car plusieurs sinistrés préfèrent encore attendre en raison de leurs insécurités liées à la COVID.

Certains de nos franchisés sont d’excellents opérateurs sur le terrain, mais ils maîtrisent moins bien la gestion financière. Nous avons donc travaillé avec eux sur la tenue et la mise à jour du tableau de flux de trésorerie. Nous avons créé des petits groupes sur zoom pour les guider. Si on leur donne les bons outils, ils auront une meilleure vue d’ensemble des prochains mois à venir et ils seront plus à même de prendre des décisions éclairées.

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4. L’ennemi à abattre en ce moment, la COVID-19, est encore rempli de questions sans réponses. Vous avez fait une sortie publique pour mettre en garde le public quant à l’utilisation du mot “décontamination” par certaines entreprises… 

Nous avons participé à plusieurs webinaires sur le sujet avec de nombreux experts et les scientifiques ne s’entendent toujours pas sur ses composantes et les méthodes exactes de propagation du virus. Quand on parle de décontamination, on parle d’anéantir la source et de pouvoir tester le résultat de nos travaux. Steamatic peut offrir du nettoyage préventif en appliquant des produits désinfectants, mais on ne peut absolument pas garantir de décontamination à l’heure actuelle. Je voulais donc mettre en garde la population afin qu’ils ne se laissent pas berner surtout qu’un devis de décontamination est beaucoup plus dispendieux qu’un devis de nettoyage préventif. Il en va de la réputation de l’industrie des restaurateurs après-sinistres. Nous y travaillons depuis des années en tant que réseau et bannière.

Durant la période de la pandémie, un des  mandats de nettoyage de Steamatic est un contrat avec une chaîne de télévision.  Nous devons de façon journalière, nettoyer et désinfecter la régie, la cafétéria en plus des véhicules de services et caméra de tournage utilisés chez les artistes dans le cadre des émissions de télé.  Nous avons fourni aux équipes de tournage, les couvre-touts, masques et gants.

5. Dans le contexte de la COVID, plusieurs travailleurs essentiels ont été valorisés, notamment lors des points de presse du premier ministre Legault. Aimeriez-vous voir davantage de reconnaissance envers les techniciens en restauration?

Nous sommes dans une zone grise entre la construction et le service de nettoyage. Je trouve dommage qu’on ne tombe jamais dans une catégorie précise. Nous n’avons même pas de numéro à Industrie Canada. Il est arrivé que notre travail soit reconnu régionalement, notamment lors des inondations de 2019 en Outaouais, mais j’attends toujours une mention en point de presse!

Pour les féliciter à l’interne, nous avons réalisé une vidéo de remerciement pour tous les techniciens au front ces dernières semaines et je viens de terminer d’écrire une centaine de cartes personnalisées à la main. Je veux leur exprimer ma reconnaissance et ma gratitude et souligner leur contribution et leur dévouement en cette période de pandémie.

Steamatic Canada regroupe plus de 45 franchisés dont 26 au Québec. Le réseau est également présent dans les provinces de Terre-Neuve-et-Labrador, de l’Ontario, du Nouveau-Brunswick et dans l’Ouest canadien.

À propos de l'auteur(e)

Mélissa Proulx

À propos de Mélissa Proulx

rédactrice - journaliste

Mélissa Proulx est une journaliste, chroniqueuse et rédactrice. Elle se consacre avec passion et créativité à l’élaboration de contenus journalistiques riches et variés depuis 2002.