Le temps blanc : Quand le vide est productif

Isabelle Naessens

25 avril 2023

5 minutes

Faire le vide : cesser de faire. La connotation est souvent négative : une journée vide est ennuyeuse, un agenda vide, épeurant. Alors, on pile les tâches, on comble le vide.

Pourtant, le monde du travail parle de plus en plus de ce vide qui serait utile, sain et productif. La semaine de quatre jours gagne des adeptes à travers le monde. Parlons du fameux temps blanc, pris ici et là, pour se ressourcer, s’apaiser et repartir à neuf.

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Faire la sieste sur le temps de travail, une bonne idée?

Éloge de la sieste au travail

En Espagne, les commerces sont fermés entre une heure et trois ou quatre heures de l’après-midi, moment où le soleil est à son zénith et les employés font la siesta. Ils reprennent jusqu’à huit heures, parfait timing pour la fiesta! Consacrée en Chine par une loi de 1948, la sieste d’après-midi est monnaie courante en Argentine, au Viêt-Nam, en Thaïlande, et ailleurs.

Au Japon, il y a le fameux inemuri, ce temps précieux pour s’assoupir derrière son écran sans complexe. Au siège de Mitsubishi, des salles y sont destinées avec fauteuils inclinables, lumière tamisée, et même brochure précisant comment faire une sieste efficace : reposer l’esprit en une quinzaine de minutes sans sombrer dans le sommeil, pour recharger ses batteries avant de repartir. Thomas Edison et Salvador Dali étaient d’ailleurs de fervents adeptes de cet état de semi-conscience hypnagogique pour résoudre des problèmes ou trouver l’inspiration.

Une étude de la NASA en 2015 a démontré qu’une sieste d’une vingtaine de minutes permet de gagner jusqu’à 35% de productivité et une meilleure réactivité à 54%. Le power nap a été adopté par Google, Yahoo, Nike, FranceTelecom et bien d’autres grandes entreprises à travers le monde. Et le Québec dans tout ça?

Chez nous, le temps blanc 

Et on ne parle pas de la neige! De plus en plus, nos spécialistes des ressources humaines et psychologues parlent de l’équilibre travail-vie personnelle, de leadership humain et bienveillant, et de santé mentale en entreprise. La pandémie a accéléré l’intégration d’une nouvelle façon de travailler et a induit « un changement structurel de la réalité du travail », selon Diane Pacom, sociologue. Les jeunes mettent d’ailleurs de l’avant leur qualité de vie plutôt que de se vouer corps et âme à la job. Il faut dire que le burn-out et le désir de performance sans cesse inassouvi ont eu raison de la résilience des générations avant la leur.

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L'équilibre travail et vie personnelle est priorisé aujourd'hui

Ceci dit, le temps blanc n’est pas forcément synonyme d’une moins bonne productivité. Au contraire, c’est libérer du temps vide, pour être plus alerte. Juliet Funt, PDG chez WhiteSpace at Work explique que “le white space is to use thoughtfulness as a business tool”, ou une meilleure attention comme outil de travail. Le temps blanc est une stratégie d’affaires positive.

La définition du concept, issu de la Silicon Valley, est “a strategic pause taken between activities”. Il s’agit donc de s’octroyer des espaces vides : une pause introspective avant un meeting, un arrêt entre deux tâches, une fenêtre de temps pour respirer avant d’entrer au bureau. Et plus.

Selon la femme d’affaires, qui se décrit elle-même comme « a workaholic, energizer bunny », il y a un prix à payer à être constamment occupé : “busyness is a false cult and there is a cost to constantly pushing, on top of missing your own life”. (Le culte de la productivité et de constamment pousser a un coût, en plus de passer à côté de sa propre vie). 

Prioriser son propre white space

Il y a essentiellement deux types de temps blanc: celui pour récupérer et recharger, la pause mentale, et celui, plus constructif, qui permet la réflexion et la créativité. Il s’agit de laisser de la place aux idées, et déculpabiliser. Laissez faire le collègue qui vous juge peut-être de prendre une pause de dix minutes au soleil ou une après-midi off pour vous poser.

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J’ai entendu quelque part cette phrase : « Ne sous-estimez pas la puissance créative de la procrastination! » Un cerveau clair, allumé et connecté est mille fois plus puissant qu’un cerveau fatigué, surmené. On ne case pas l’inspiration entre deux tâches. Voilà pourquoi il est si difficile d’estimer le temps de création ou d’innovation.  

Dès lors que l’on décide de l’intégrer à notre travail, il faut y céder une place et volontairement mettre du temps blanc à son agenda. Pas pour la pause soleil ou le moment d’introspection avant le meeting, mais pour l’espace de temps plus long, comme une journée créativité ou le cours de yoga le vendredi matin. Il faut activement le privilégier, éviter d’attendre qu’il se produise de lui-même. À chacun de se l’approprier comme bon lui semble. 

Comment faire pour s’octroyer de petites fenêtres de temps précieux ici et là? La règle d’or : sortir de la performance pour aller vers le calme, la détente, une vacuité créatrice et la pleine conscience.

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À propos de l'auteur(e)

Isabelle Naessens

À propos de Isabelle Naessens

Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.