La pilote du Grand Nord

Mélissa Proulx

25 février 2019

4 minutes

Pour la pilote Roxanne Granger, le Grand Nord, c’est l’aventure. À bord des avions d’Air Inuit, elle sillonne le ciel au nord du 53e parallèle en vouant un immense respect pour la nature généreuse et sans pitié des grands espaces. À 26 ans, elle continue de tracer sa voie dans une profession à 95% masculine.

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Au Québec, il existe un seul programme public de pilotage, celui du Centre québécois de formation aéronautique à Chicoutimi. Sur 500 demandes annuelles, seuls 40 candidats sont admis. Roxanne Granger est arrivée 42e. «Avant que ma mère me parle de ce programme, je croyais que devenir pilote était presque aussi complexe que devenir astronaute, qu’il fallait faire de très hautes études», se souvient-elle.

Après son refus, elle s’est donc tournée vers les écoles privées de pilotage. Un choix beaucoup plus onéreux – la formation se chiffre à environ 65 000$, ce qui explique en grande partie la pénurie de pilotes actuelle. «J’ai eu la chance que mes parents réhypothèquent la maison et finance d’un seul coup ma formation à ALM Par Avion.»

Au bout d’un an et demi, elle obtient sa licence privée, puis commerciale, avant d’obtenir la qualification d’instructrice. Aujourd’hui, elle forme les futurs instructeurs. La graine de pilote? Elle avait probablement germé à Saint-Michel-des-Saints sur la terre de son oncle et de sa tante. «Tout en étant manuelle, j’ai toujours aimé les bébelles motorisées, me promener dans le bois en quatre-roues ou en ski-doo.»

Ses ailes à Air Inuit

Après avoir honoré des contrats à la SOPFEU et à la SOPFIM pour Grondair à l’été 2017, elle obtient finalement ses ailes chez Air Inuit. Sa vie est maintenant un aller-retour incessant entre le Nord et les maisons mobiles (staff houses) des villages de Radisson et la maison familiale au “Sud”. La majorité de son temps de vol, elle le passe comme premier officier sur un Dash 8 – 300, un cargo basé à La Grande qui transporte des vivres dans les communautés.

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«Le Grand Nord, c’est l’aventure! Je ne connaissais pas du tout auparavant. Notre province est tellement vaste, tellement belle, mais nous sommes tous collés sur le fleuve pour des raisons historiques évidentes. Ici, la nature gagne sur tout. J’adore ça, même si c’est aride. On ne peut faire autrement que de respecter notre environnement.»

Mais ce qu’elle préfère par-dessus tout, c’est être aux commandes du Twin Otter pour aller porter des chasseurs ou pêcheurs inuits et cris dans les camps. «Je suis chez Air Inuit en grande partie pour cet avion que j’ai eu la chance de copiloter l’été dernier. Les avions automatisés ne sont pas ceux qui me font le plus vibrer. J’aime plutôt être à 500 pieds au-dessus des sapins et faire des opérations de brousse.»

«Récemment, j’ai pris des vacances pour aller pêcher sur la glace à Salluit avec mon commandant. Un beau trip de pêche en plein milieu de la toundra. Nous avons fait une heure de ski-doo pour nous rendre. Qui a la chance de vivre ça? Je suis choyée!»

Subir le climat

Roxanne Granger ne décolle jamais de terre sans sa parka, et ce, même si elle ne met jamais le nez à l’extérieur. «Il faut être prêt à tout dans un environnement où il fait -40 degrés Celcius. Dans la toundra, les chances de survie seraient nulles. Surtout pour les opérations hors pistes lors desquelles on apporte aussi un sac de couchage, une pelle, une hache et de la nourriture pour quelques jours.»

Lorsque les roues de l’avion quittent le sol, la jeune pilote entre chaque fois dans un monde parallèle. «Ce qui s’est passé sous les nuages reste sous les nuages. J’oublie tout pour me concentrer sur ce que je dois faire. À bord du Twin Otter, c’est l’inconnu. Il faut approcher chaque piste, chaque situation comme si c’était la première fois.»

Ses cinq années comme pilote lui ont appris une chose: l’aviation nécessite beaucoup de volonté, de détermination, de temps et des sacrifices. «C’est comme un escalier. On peut grimper les marches deux ou trois à la fois si on est pressés, mais selon moi, chaque palier vaut la peine d’être vécue.»

«Ma grand-mère reste ma fan numéro un. Quand je faisais mes cours et que je devais cumuler des heures de vol, elle voulait que je l’emmène voler pour le plaisir. Il s’est alors instauré une tradition annuelle à laquelle s’est jointe ma mère: à l’automne, on prend un Cessna 172 et on va bruncher au Manoir Richelieu ou Manoir Charlevoix pour admirer les couleurs».

À propos de l'auteur(e)

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À propos de Mélissa Proulx

rédactrice - journaliste

Mélissa Proulx est une journaliste, chroniqueuse et rédactrice. Elle se consacre avec passion et créativité à l’élaboration de contenus journalistiques riches et variés depuis 2002.