Jean-Martin Fortier et Suleyka Montpetit: éco-entrepreneurs d’impact

Séries: Écoentrepreneuriat

Isabelle Naessens

11 mars 2021

5 minutes

La pandémie a dévoilé des failles de notre système. Elle a notamment révélé la fragilité de notre chaîne d’approvisionnement. Notre production en mode intensif et à grande échelle n’est pas aussi résiliente qu’on le croyait. La transformation du modèle actuel passe par des initiatives régénératives, conscientisées et autosuffisantes. Cette série traite de l’éco-entrepreneuriat.

Le jardinier-maraîcher est une entreprise numérique de formation dont la mission sociale d’impact, vulgarisée par Jean-Martin Fortier, vise la multiplication des microfermes diversifiées. Suleyka Montpetit, cofondatrice et présidente-directrice, explique comment elle participe à accélérer le mouvement par la formation.

« C’est à nous de réinventer l’agriculture ». Pop-up interpellant du site web qui résume la vision. L’entreprise sera bientôt rebrandée l’Institut jardinier-maraîcher, pour être plus fidèle à ce qu’elle propose : des produits d’apprentissage numériques. Si Suleyka Montpetit s’est associée il y a quatre ans au personnage public Jean-Martin Fortier, cultivateur, entrepreneur, conférencier, et auteur du best-seller Le jardinier-maraîcher préfacé par Laure Waridel, c’est qu’elle croyait en ses valeurs. D’autant plus qu’elle possède les outils pour accélérer la mission de l’entreprise. La PDG vient d’ailleurs d’être choisie par Femmessor comme une des 100 entrepreneures inspirantes du Québec.

Former au modèle d’agriculture à petite échelle

Suleyka veut étayer la gamme de produits d’apprentissage, développer une plateforme de communauté, et devenir un média avec des articles spécialisés et des billets de blogues. Un vaste chantier de déploiement de la marque, dont l’objectif est d’accompagner sur toute la chaîne d’apprentissage numérique les futurs entrepreneurs agricoles de petites surfaces. L’entreprise vend un produit de niche et a une visée internationale. Les formations ont déjà permis de créer des petites fermes dans plus de 65 pays.

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Le cours, monté il y a quatre ans, enseigne comment produire à petite échelle de façon diversifiée. Tout y passe, légume par légume, une saison à la fois. Les méthodes, les outils, la technique détaillée et la pratique. « La demande pour les cours en ligne a explosé, se réjouit Suleyka. Il y a un besoin de formation à combler ». La Ferme des Quatre-temps, un projet agricole modèle d’André Desmarais lancé en 2015, sert de référence et permet de documenter les apprentissages dans les champs.

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Réactualiser le métier d’agriculteur

Parlant du loup, Jean-Martin est un peu le porte-voix de la relève agricole au Québec depuis une quinzaine d’années. Il donne ainsi toute la visibilité dont le projet a besoin. « Sa présence et son expérience aident les gens à imaginer que le modèle qu’on propose est possible à réaliser », illustre Suleyka. La pandémie a ramené les enjeux climatiques sur la table et souligné l’urgence de repenser nos modèles. « Mais le métier ne s’improvise pas, rappelle-t-elle. Il faut éviter le piège d’idéaliser ». L’agriculteur est avant tout un entrepreneur. « L’agriculteur d’aujourd’hui doit établir un modèle d’affaires, comprendre le marketing, savoir se positionner, faire de la gestion et de la mise en marché et planifier ses cultures en amont. Plus qu’un équilibre, c’est une danse entre maîtriser les données financières et vouloir changer le monde », affirme joliment Suleyka.

La crise a aussi mis en lumière le défi de la main-d’œuvre en agriculture, dont celui d’embaucher des travailleurs locaux. Le métier a été mécanisé et dévalué avec le modèle d’agriculture intensive. « Il n’y a rien de stimulant à cueillir des choux toute la journée sur une ferme de dix hectares, convient-elle. Par contre, le modèle que l’on propose est valorisant et modifie l’image de l’agriculteur. Sur sa petite ferme diversifiée, il est constamment et intellectuellement challengé par la gestion, la production et les récoltes ».

Leadership d’influence

La pandémie a certes suscité un intérêt accru autour de la souveraineté alimentaire et l’importance de se réorienter collectivement. Or, pour que l’idée perdure et ne soit pas qu’une simple mode passagère, l’équipe s’est mise en relation avec différentes instances comme le ministère de l’Agriculture et Hydro-Québec. « Les cadres réglementaires ont besoin d’évoluer, souligne Suleyka. Il faut réorienter les politiques publiques et enlever les obstacles à l’évolution du type d’agriculture qu’on met de l’avant, comme les quotas ou la loi sur les terres agricoles ».

Par le leadership d’influence que Jean-Martin Fortier a su développer, il y a eu des victoires. Les subventions dorénavant octroyées aux petites fermes pour la culture en serre depuis la fin de 2020 en sont une notable. L’homme d’affaires vient de recevoir en février 2021 la Croix du service méritoire du Gouverneur du Canada, un pas de plus pour son influence dans le milieu.

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C'est le temps des jardins! Semis locaux pour des plantes parfaitement adaptées à nos climats

« Le futur de l’agriculture est dans le biologique, le régénératif et la proximité, soutient Suleyka. On parle des sols, de la biodiversité et des écosystèmes, notamment humains. Car il ne faut pas oublier le volet nourricier comme un liant social. Ramener l’alimentation dans la communauté est un aspect fondamental ». Le modèle d’autosuffisance alimentaire implique de manger en saison, de vendre et de produire dans sa communauté, d’accepter une certaine responsabilité comme producteur local.

« C’est plus qu’une transformation agricole : le projet est porteur de transformations des relations sociales et des communautés qu’il redynamise », affirmait Jean-Martin dans le cadre du balado Le comité des idées dangereuses avec Gabriel Nadeau-Dubois en février 2020. Depuis plusieurs années, Jean-Martin clame que l’agriculture nourricière écologique de proximité pourrait être un projet de société au Québec. « Remplaçons l’agriculture de masse par l’agriculture par la masse », n’hésite-t-il pas à lancer. L’éco-entrepreneuriat est voué à une croissance sans précédent. Et l’Institut jardinier-maraîcher compte bien contribuer à accélérer le mouvement par l’éducation.

À propos de l'auteur(e)

Isabelle Naessens

À propos de Isabelle Naessens

Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.