En 2020, Julie Massicotte se dirigeait vers sa meilleure année depuis la création de son entreprise il y a 21 ans. Pionnière dans le domaine de l’événementiel, « Mlle Tapis Rouge» gardait un rythme effréné que rien ne semblait pouvoir ralentir. La pandémie a été le début d’un deuil inattendu.
« Au lendemain de l’annonce de confinement du premier ministre, tous les événements à mon calendrier ont été annulés », se remémore en frissonnant Julie Massicotte, présidente de Productions Tapis Rouge. Le début de la fin pour l’entreprise qu’elle avait bâti de zéro 21 ans plus tôt. Le commencement d’une prise de conscience quant à son train de vie frénétique.
Une carrière prolifique
Productions Tapis Rouge a vu le jour en 1999, deux semaines après que Julie Massicotte ait donné naissance à son fils Samuel. « Je suis designer de métier, raconte-t-elle. J’aimais travailler pour des contrats commerciaux à travers lesquels j’exprimais pleinement ma créativité. À cette époque, les événements étaient créés par des entreprises d’éclairage, des entreprises de DJs ou par le département de relations publiques des boîtes de publicité. Le métier de l’événementiel tel que je l’ai développé n’existait tout simplement pas. J’ai défriché le terrain. »
Son parcours est parsemé par des événements marquants comme le Bal des lumières pour la Fondation de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal au Centre Bell en 2013. « Je n’avais peur de rien, relate celle qui avait été nommée coprésidente de l’entrepreneuriat jeunesse du Québec en 2002 et 2003. Lorsqu’on m’a appelé pour me dire qu’on achetait mon concept et que l’événement aurait lieu au Centre Bell et non pas à la Salle des pas perdus comme prévu, j’avais les genoux qui claquaient. C’était de la folie, mais j’ai dit oui! »

Frapper un mur

Avec des clients de prestige tels que le marathon de Montréal, la Station Mont-Tremblant et l’Ordre honorable de l’oie bleue international, entre autres, Productions Tapis Rouge a rapidement fait sa marque. « Pendant 20 ans, j’avais la pédale au fond, constate-t-elle. J’étais comme détachée de moi-même. Je ne prenais pas soin de mon environnement personnel. Depuis quelque temps, j’avais des symptômes inquiétants, mais je les ignorais. J’avais commencé à faire des crises de panique. »
Le 21 mai 2019, Julie Massicotte a été opérée d’urgence pour un fibrome à l’utérus. Des complications ont mené à une hémorragie interne et à un arrêt cardiaque. Déjà fragilisée dans sa vie personnelle, Julie Massicotte a reçu les annulations liées à la pandémie comme une tonne de briques. « En mai 2020, je mettais les deux genoux à terre, témoigne-t-elle. Mon entreprise n’avait plus aucun repère. Je venais de me séparer. Je n’avais plus d’entreprise, plus de logis. Je n’allais pas bien. Résultat: diagnostic d’épuisement majeur et de choc post-traumatique. »
La femme d’affaires a entamé le deuil de son entreprise et de son équipe qu’elle considère comme sa famille. Mais la pandémie a aussi été un révélateur pour faire le deuil de l’entrepreneure qu’elle avait été et qu’elle ne pouvait plus être.
« Je ne vis pas juste la perte d’une entreprise, commence-t-elle. C’est un tout. Mon “moi” d’avant est tombé. Il faut que je rebâtisse tout mon système. »
Des phares dans la nuit
Pour traverser cette épreuve, Julie Massicotte a reçu de l’aide. Une aide psychologique d’abord, mais aussi de son réseau d’amis qui lui a apporté un soutien inconditionnel. Elle a aussi croisé la route de celui qui allait devenir son conjoint, Jean-François Lacasse, fondateur de Mayday M’aider, une communauté d’entraide et de partage sur la détresse psychologique, pour laquelle elle est une des ambassadrices. « Écouter des témoignages de gens qui sont passés par là me fait beaucoup de bien. J’ai choisi de témoigner à mon tour. »
Avec la troisième vague de la COVID-19 du printemps 2021, Julie Massicotte a dû se rendre à l’évidence: c’est la faillite qu’elle envisage. « Ces derniers temps, je m’accroche en revisitant tous les mandats dont je suis fière, relate-t-elle. Il y a quelques mois, je n’arrivais pas à considérer mes réussites. J’avais besoin de réfléchir, de décanter. J’ai mal à ma profession. On ne peut pas envisager de rassemblement de 250 personnes avant l’automne prochain. Mon entreprise ne passera pas au travers. Je ne vois pas comment faire un virage actuellement. »
Philosophe, elle voit néanmoins poindre une lueur d’espoir: « C’est une Julie 2.0 qui va émerger de tout cela. Une femme d’affaires qui connaît mieux sa valeur. C’est une deuxième vie que je commence. À quand vivrons-nous un retour à l’humain dans l’événementiel? On parle de plus en plus d’humaniser le numérique. Là, ça m’interpelle et j’y vois du positif. Je ne ferai plus le métier tel que je l’ai connu, mais mon métier est en moi. »
