Âgée d’à peine 22 ans, Émilie Pelletier a lancé son entreprise touristique l’hiver dernier dans le Vieux-Québec. Elle a alors découvert ce qui se rapprochait le plus de ce qu’elle était depuis l’enfance: une entrepreneure née. Rencontre avec la fougueuse propriétaire de Tuque & Bicycle expériences.
Alors qu’elle étudiait les sciences naturelles au Cégep Limoilou dans le but de devenir médecin, Émilie Pelletier a pris un emploi d’été chez Cyclo Services dans le Vieux-Québec, tombant irrémédiablement sous le charme du tourisme à vélo. En partenariat avec son employeur – qui flairait assurément sa fibre entrepreneuriale – elle a mis sur pied un service de fat bike l’hiver.
The rest is history, comme disent les voisins du Sud. Tuque & Bicycle expériences voyait le jour en décembre 2020, offrant des initiations guidées au fat bike avec arrêts gourmands sur le parcours. « Je ne suis ni une cycliste ni une athlète, mais j’aimais l’idée de découvrir le Québec autrement, de sortir des circuits habituels pour profiter de son séjour », explique-t-elle.


Plonger dans l’hiver
Les six premiers mois d’opération ont été frénétiques. Pandémie oblige, ce sont des touristes québécois (locaux et provinciaux) qui ont afflué. « Dans le Vieux-Québec, il n’y a pas beaucoup d’activités sportives pendant la saison froide, précise-t-elle. Il faut sortir de la ville pour profiter des joies de l’hiver. » L’engouement pour ses services a été immédiat dans un contexte où les Québécois étaient en manque de distractions « L’imprévisibilité des mesures sanitaires m’a créé de nombreux casse-têtes, relate-t-elle. En janvier dernier, j’ai dû rappeler tous mes clients à qui j’avais vendu l’activité pour transformer l’offre. J’ai dû refaire mon modèle d’affaires pour devenir une flotte de location mobile pour les particuliers, les municipalités et les écoles. »
Le déclic du pitch
Entrepreneure avant l’heure, Émilie faisait du porte-à-porte à 11 ans afin de distribuer des cartes d’affaires pour offrir ses services de gardiennage d’enfants. « Mon père a lancé son entreprise alors que j’étais au primaire. S’il avait su ce que c’était, il l’aurait fait beaucoup plus tôt, répétait-il. Je n’ai donc pas hésité quand l’occasion s’est présentée. » Au cégep, un kiosque d’entrepreneuriat-études avait attiré son attention: « Je tournais autour, je posais des questions… Quand j’ai commencé à avoir mes idées d’entreprise, mon cerveau travaillait 24 h sur 24! Je voyais tous les problèmes et je voulais les régler! Mon ressenti était tellement fort que je ne pouvais pas l’ignorer. » Émilie a participé au concours Propulse ton idée organisé par son cégep. Sur scène, en faisant son pitch final, elle a senti qu’elle était à sa place. « Je n’ai jamais ressenti autant de plaisir et d’adrénaline à faire quelque chose. J’ai gagné, ce qui m’a donné confiance pour la suite. Au lieu d’entrer à l’université, je suis allée travailler en tourisme! »
Une première saison
Premier constat: les touristes (même québécois!) ne savent pas s’habiller pour pratiquer les sports d’hiver! « J’ai acheté de l’équipement: des bottes, des manteaux, des gants et des tuques et j’ai dépanné ma clientèle. Mes grands-parents se sont occupés de les laver entre chaque utilisation. » D’autres membres de la famille ont été mis à contribution – Émilie habitant dans une maison intergénérationnelle avec sa tante, son cousin et ses grands-parents. « C’est difficile d’entretenir des vélos l’hiver. Alors, les matins tôt, mon cousin m’aidait à les nettoyer et faire l’entretien de base. » Pour rassurer la clientèle et rendre l’activité encore plus sécuritaire, elle a fait clouter les pneus de vélo. « Je suis la première à être frileuse et à ne pas être friande de l’hiver. Conséquemment, je me suis organisée dans mon pitch de vente pour répondre à tous les “oui, mais…” avant même qu’ils ne soient formulés. »


Au printemps dernier, après six mois à travailler sans relâche des 14 à 15 heures par jour, la jeune femme était sur le bord de l’épuisement: « J’étais censée offrir des services cet été, mais j’ai décidé de ralentir pour mieux me relancer à l’automne. » La jeune femme a partagé ses états d’âme avec sa communauté sur les réseaux sociaux. « Comme entrepreneure, j’estime qu’on est responsable de l’image qu’on projette, formule-t-elle. C’est important de montrer qu’on n’est pas surhumaine, qu’on a des hauts et des bas. J’aurais aimé voir cette facette chez les modèles d’entrepreneures féminines qui sont trop peu nombreux. Montrer qu’on peut avoir une vie en dehors de la business, s’amuser, bouger. J’utilise donc mes réseaux sociaux de la manière la plus authentique possible. »
« J’ai réalisé que l’entrepreneuriat, c’était mon métier, ma façon de vivre. Même si dans le futur, j’entrais en médecine, je serai quand même entrepreneure. Je ne pourrai pas m’en empêcher! »
Rêver grand
Pour la prochaine saison, la propriétaire compte engager du personnel et faire passer sa flotte de 12 à 33 vélos. L’ambition entrepreneuriale d’Émilie ne s’arrête pas là. « J’aimerais devenir la référence touristique à Québec, lance-t-elle avec entrain. Je caresse aussi le rêve de me spécialiser en rachat d’entreprise. Il y a plusieurs dirigeants qui sont fatigués, qui veulent vendre et n’ont pas de relève. Surtout à Québec. Je souhaite faire l’acquisition de sociétés qui vont bien, mais qui ont besoin de renouveau, d’une image de marque plus moderne, d’une présence en ligne. Tuque & Bicycle expériences a un gros potentiel de croissance, mais coûte cher à opérer. C’est un peu comme si je m’étais payé une école d’entrepreneuriat qui deviendra rentable un jour. » Une entrepreneure en série en devenir qui n’a pas fini de grandir et de faire parler d’elle.