De présentatrice à entrepreneure météo

Mélissa Proulx

1 mars 2019

5 minutes

En tant que météorologue, Jocelyne Blouin a contribué à mieux informer et éduquer les téléspectateurs d’ICI Radio-Canada quant aux phénomènes météorologiques. Retraitée depuis 2011, elle transpose maintenant sa passion dans des applications intelligentes.

L’histoire d’amour de Jocelyne Blouin avec les sciences commence par une dévorante curiosité. Que se passait-il véritablement lorsqu’elle ouvrait l’interrupteur et que la lumière jaillissait? Ses réponses, elle les trouvait à l’école ou dans la collection de livres Que sais-je?. C’est donc tout naturellement que la jeune femme s’est dirigée vers des études en sciences pures et appliquées au cégep – qui venait tout juste de voir le jour au Québec en 1967 -, puis en physique à l’université. «Quand j’ai annoncé à papa que j’allais faire un certificat en météorologie, il m’a répliqué: «Quoi? Ils enseignent ça?», s’esclaffe Mme Blouin au bout du fil. Il faut rappeler qu’à l’époque cette science n’était pas prise au sérieux et que les prévisions n’étaient pas bonnes. Nous n’avions pas les moyens que nous avons aujourd’hui».

Plus qu’une Miss Météo

«Il va pleuvoir, il fera beau, c’est le secret de la météo!», disait la chanson humoristique qui tournait à la radio CKAC à l’époque. Pourquoi alors s’intéresser à cette spécialisation? «Encore une fois, il y avait cette envie de comprendre. Faire des prévisions météorologiques pour l’aviation par exemple, c’est passionnant. C’est plus excitant que de prévoir la météo pour le grand public. Il faut être très précis et pointu.» Après avoir travaillé quelques années à Environnement Canada, le seul employeur en météorologie de l’époque, Jocelyne Blouin accepte un poste de présentatrice météo à Radio-Canada. En 33 ans de carrière, elle animera plus de 15 000 bulletins météo.

«Je suis fière d’avoir contribué à la météorologie durant ma carrière, énonce-t-elle. Quand j’ai commencé, il n’y avait personne qui expliquait ce qu’était une averse, un orage ou un anticyclone. Le chauffeur qui allait chercher les cassettes des reportages à l’aéroport arrêtait chez Environnement Canada tous les jours pour récupérer mes cartes, car je tenais à faire mes propres prévisions météo.»

Avec l’arrivée d’Internet, les données sont devenues plus facilement accessibles, mais Jocelyne Blouin aura toujours gardé en tête de faire de l’éducation et de l’information sur les phénomènes souvent méconnus du grand public, comme le reportage au Groenland en 2011 pour constater les effets du le réchauffement climatique.

Loin des caméras

Au moment de prendre sa retraite, Jocelyne Blouin est enthousiaste à l’idée de se consacrer à ses nombreux autres intérêts. Elle suit des cours de piano et d’espagnol, fait du bénévolat, pratique le golf. Puis, son ami météorologue Jean-Charles Beaubois, un Belge ayant immigré au Canada, lui offre de bâtir un projet à deux. «On est aussi fous l’un que l’autre quand on se met à faire du brainstorming.» Ensemble, ils démarrent l’entreprise Météo Globale dont le premier produit est Blisly, une application intelligente de prévision de l’impact de la météo sur la santé, en collaboration avec l’Hôpital Sacré-Coeur et le Centre de recherche informatique de Montréal. «En Europe, ça fait 30 ans qu’ils s’intéressent à ces phénomènes largement appuyés par la littérature scientifique. En Allemagne, il y a même des indices pour différentes maladies dans les bulletins météo!»

Après un an et demi d’essai, le projet a été avorté. «On a été obligés de débrancher l’application, car il n’y avait pas suffisamment d’utilisateurs. Peut-être n’y avons-nous pas assez investi d’argent aussi? J’ai été très peinée, car on a travaillé très fort pour la recherche, la création des algorithmes et pour recueillir des données.»

Une retraite entrepreneuriale

Heureusement, un autre produit de Météo Globale remporte un succès certain. Météo-Routes est un service à l’intention des municipalités et des déneigeurs privés qui produit des prévisions météo sur la condition des routes. À l’heure actuelle, dix villes, dont Montréal, l’utilisent. «Ce système permet aux municipalités de faire des économies et d’offrir un meilleur service. On travaille aussi à développer un algorithme permettant de mieux prévoir l’épandage du sel.»

L’entreprise a dans les cartons d’autres applications intelligentes notamment liées aux domaines du travail ou du marketing. «La prochaine que nous allons développer et qui me tient beaucoup à coeur est celle au service des agriculteurs. Elle permettra d’offrir des prévisions météo adaptées par culture pour mieux gérer l’épandage de pesticides et d’engrais qui requièrent toutes des conditions particulières. Le monde agricole et l’UPA se sont déjà montrés très enthousiastes.»

Sous un ciel gris ou ensoleillé, Jocelyne Blouin se réjouit de sa retraite pas si tranquille. «L’entrepreneuriat m’allume beaucoup. C’est très excitant. En plus, c’est une bonne façon de travailler mes neurones, termine la dame de 68 ans.

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Comme pour les autres femmes scientifiques interrogées, nous avons demandé à Mme Blouin ce qu’elle aimerait transmettre comme message aux jeunes filles afin qu’elles n’hésitent pas à se diriger vers les sciences?

HenkelMedia.com

«Il faut arrêter d’avoir peur et donner une chance aux sciences! Les domaines scientifiques ne sont pas si arides ou difficiles, mais plutôt amusants! Par contre, il faut travailler fort et aimer ce qu’on fait. Quand ça devient notre passion, on est plus enclines à déployer des efforts».

 

À propos de l'auteur(e)

Mélissa Proulx

À propos de Mélissa Proulx

rédactrice - journaliste

Mélissa Proulx est une journaliste, chroniqueuse et rédactrice. Elle se consacre avec passion et créativité à l’élaboration de contenus journalistiques riches et variés depuis 2002.