COVID-19 et loyer commercial: suis-je tenu de payer?

Patricia Chamoun

26 mai 2020

5 minutes

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ME PATRICIA CHAMOUN
CONSEILS JURIDIQUES ET D’AFFAIRES

 

Les locataires liés à un bail commercial et visés par une fermeture pendant la COVID-19 pourraient être libérés de leur obligation de payer leur loyer pour la période visée. Voici tout ce que vous devez savoir à ce sujet.

Récemment, le gouvernement du Canada annonçait, l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial (AUCLC) en collaboration avec la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL). Ce programme vise à donner un soutien aux entreprises admissibles, afin de réduire le paiement de leur loyer pour la période d’avril, mai et juin 2020. Cette aide est sous forme de prêts-subventions aux propriétaires d’immeubles commerciaux éligibles et selon certaines conditions essentielles, dont la volonté des propriétaires d’immeubles à participer au programme. Si vous n’êtes pas admissible à l’AUCLC destinée aux petites entreprises, le gouvernement du Canada offre d’autres mesures de soutien aux entreprises et aux particuliers dans le cadre du Plan d’intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19. Si vous n’êtes pas un propriétaire d’immeuble commercial, le Report des paiements hypothécaires pourrait être ce qu’il vous faut.

Le portail de demande de l’AUCLC destinée aux petites entreprises ouvrait le 25 mai 2020 à 8 h (HE).

En tant que locataire visé par l’avis de fermeture, suis-je libéré de mon obligation de payer le loyer durant cette période?

A priori, l’article 1854 du Code civil du Québec expose l’obligation principale du locateur soit celle de procurer à son locataire la jouissance paisible des lieux loués pendant toute la durée du bail. En contrepartie à cette obligation, le locataire est tenu au paiement du loyer convenu (article 1855 C.c.Q).

Cependant, lorsque le débiteur d’une obligation ne peut l’exécuter en raison d’une force majeure, il est libéré de son obligation (article 1693 C.c.Q).

Nous pouvons raisonnablement concevoir qu’un locateur, à la suite des dernières mesures gouvernementales, n’est plus en mesure d’assurer la jouissance des lieux loués à son locataire.

Or, l’article 1694 du Code civil du Québec, ainsi que la jurisprudence à cet effet, vient préciser que si le débiteur (le locateur) est libéré de l’exécution de son obligation en raison d’une force majeure, il ne peut exiger en contrepartie à son créancier (le locataire), de payer le loyer.

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Mon bail comporte-t-il une clause de force majeure?

Avant de déterminer si vous pouvez invoquer la libération de votre obligation corrélative, il faudra vérifier si vous avez dérogé, dans votre bail, aux principes généraux de droit civil (les articles 1854 et 1855 C.c.Q. énoncés ci-haut).

En effet, il se pourrait que vous ayez stipulé dans votre bail qu’aucun cas de force majeure ne peut vous libérer de votre obligation de paiement de loyer. Dans un tel cas, cette clause l’emporterait sur le droit civil à moins que, selon les circonstances, elle ne soit invalide, si vous n’aviez pas librement négocié les clauses de votre bail, par exemple.

Aussi, il se pourrait que votre bail comporte d’autres clauses pertinentes à votre situation actuelle (une clause de renégociation de loyer, de libération de certaines obligations, de résiliation de bail, entre autres exemples), qui auront une conséquence directe sur vos obligations courantes envers le locateur, notamment de payer le loyer pour la période visée.

Le programme AUCLC est une solution offerte aux propriétaires d’immeubles commerciaux et aux locataires afin d’alléger leur fardeau financier, tout en minimisant le risque que le locataire devienne insolvable ou même un failli et qu’il demande la résiliation de son bail pour cause de force majeure. Référez-vous au site de SCHL pour connaître les conditions d’admissibilité ainsi que les réponses aux questions les plus fréquemment demandées.

Puis-je demander la résiliation de mon bail ?

Oui, le locataire pourrait obtenir la résiliation d’un bail commercial s’il ne peut pas utiliser les lieux loués à la fin prévue. Cependant, une telle résiliation ne pourra être que judiciaire, c’est-à-dire qu’elle devra être prononcée par un tribunal, suite à une demande formelle par le locataire, et ce sur preuve d’un préjudice sérieux. Par exemple, les mesures d’interdiction mises en place par le gouvernement, n’autorisant pas un locataire d’ouvrir son commerce au grand public, durant la période de confinement, pourraient être considérées comme un motif sérieux.

Toutefois, considérant que ce genre de demande n’est pas instruite en urgence pour le moment, le locataire qui cherche à obtenir la résiliation de son bail risque de ne pouvoir présenter sa demande qu’après la situation actuelle et une fois que les tribunaux québécois auront repris leurs activités régulières.

Finalement, il est crucial d’examiner son bail commercial avant d’entamer quelconque action.

Faire un arrangement vaut mieux qu’un litige coûteux et long!

9185-4000 Québec inc. c. Centre commercial Innovation inc. (2016 QCCA 538)
Henri c. 9131-5267 Québec inc., (2017 QCCS 716)
Place Fleur de Lys c. Tag’s Kiosque Inc. [1995] R.J.Q.1659 (C.A.)

À propos de l'auteur(e)

Patricia Chamoun

À propos de Patricia Chamoun

Avocate, Associée-Directrice, Chamoun Légal

Me Patricia Chamoun et son cabinet représentent des PME, plus particulièrement dans le domaine du droit des affaires, de l’immobilier, de la construction et de la technologie. Aussi, grâce à sa passion pour les arts, la musique et la cinématographie, depuis les dernières années elle a développé une expertise dans le domaine du droit du divertissement.