Alexandra Bastien, à fleur de peau

Isabelle Naessens

18 février 2022

7 minutes

Avec les salles de spectacles, musées et centres d’exposition fermés, les festivals annulés et les frontières closes, les artistes entrepreneurs, bien que créatifs de nature, ont dû rivaliser d’ingéniosité et développer de nouvelles compétences afin de pouvoir diffuser leurs œuvres. Alexandra Bastien, une artiste visuelle de renommée internationale, a su ajouter de nouvelles cordes à son arc. À cause, ou plutôt grâce à la pandémie, Alexandra a plus que jamais le diable au corps… 

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Elle se souvient encore de sa première petite boîte rouge de Prismacolor, reçue à l’âge de trois ans. La diplômée des Beaux-Arts a toujours été fascinée par la représentation du corps humain. Elle a dessiné sans relâche, elle a peint, elle a exposé. Avec son art, elle veut toucher les gens. 

Il y a quelques jours, elle a rendu hommage à Danièle Henkel en peignant le visage de la femme d’affaires sur son propre buste, entouré de fleurs représentant ses nombreux accomplissements. Une expérience émouvante pour les deux entrepreneures, et une occasion de parler à l’artiste de son incroyable histoire.

« Apprivoiser la bête »

C’est le titre de sa première exposition, au sortir de deux années dans son atelier, à créer pour oublier, à créer pour sortir d’un état dépressif et d’un passé difficile. La tourmente, un présage de célébrité ? Peut-être. La jeune vingtenaire expose alors aux quatre coins de la planète, dont Londres, Paris et Los Angeles. En 2015, elle reçoit la médaille de l’Assemblée Nationale du Québec, accrochée à côté de celle de Allied Artists of America de New York, et de toutes les autres. Les distinctions s’empilent. Et pourtant, la fille qui peint avec une passion dans les tripes a puisé son rêve au fond d’un ventre creux, quand trois repas par jour n’étaient qu’une obsession qui gargouillait rageusement.

Alexandra Bastien est un être de métamorphose et d’adaptation. Une fonceuse, une battante, une femme qui en a vu de toutes les couleurs et qui, quand il le faut, prend une direction sans regarder en arrière. Elle a très tôt découvert les limites de l’existence, elle a vacillé sur le bord de gouffres tentants. Cela fait 25 ans qu’elle travaille sept jours sur sept. Les causes qui lui tiennent à cœur et dont elle est porte-parole sont nombreuses. Entre autres, la violence conjugale et le sort des aînés. Elle a choisi  de mettre son art au service du social : créer pour tendre la main. Hyper-sensible, son caractère fait d’elle une artiste étonnante, et surtout, émouvante.

La peinture corporelle, un nouveau virage

Alexandra a commencé sa carrière comme illustratrice. À quatorze ans, elle allait déjà aux États-Unis pour illustrer la série Star Wars. Puis elle a eu sa période Beaux-Arts. « En 2011, j’ai commencé à être fatiguée de cette vie-là. J’avais exposé dans plus de 160 musées et 75 villes, j’avais gagné tous les prix et toutes les bourses que je voulais ». Elle s’est alors tournée vers l’enseignement des arts plastiques pour les personnes âgées : « J’ai eu envie de faire une différence dans ma communauté, de faire rayonner ma lumière en touchant les gens et travailler avec eux ». Fini l’isolement dans son atelier, les mois à préparer des vernissages. En 2016, elle a envie de réaliser des œuvres vivantes et éphémères. La fin de semaine, elle maquille des corps pour célébrer des personnalités publiques, pour des événements spéciaux ou des œuvres caritatives. « Je suis arrivée un peu au body-painting par hasard. C’est une forme d’art qui bouge, qui respire, qui vit! Ça m’a fait un bien fou et j’en suis tombée amoureuse ».

« Je me suis mise à en faire pendant un an à mes frais, pour me faire connaître de ce monde-là. Je peignais mon amie dans les toilettes publiques, on dormait dans mon auto. J’allais dans des événements auxquels je n’étais même pas invitée ! J’arrivais avec une modèle toute peinte à un lancement, les gens pensaient que je faisais partie du show et nous laissaient passer. C’est d’ailleurs comme ça que je suis rentrée aux États-Unis. Le lendemain, je faisais les front pages. J’étais vraiment intense, je voulais tellement réaliser mon rêve d’artiste ! Puis, les gros sous ont commencé à rentrer et je me faisais payer des sommes faramineuses pour des weekends à Hollywood et ailleurs » 

 

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La pandémie, ou l’art d’effectuer un 360

Un an et demi avant la pandémie, l’artiste flyait à cent mille à l’heure. Elle avait tout fait pour défoncer les portes, et elle y était arrivée. « En mars 2020, la vie que j’avais construite a été détruite ». Plus de contrat, de voyage, d’exposition, d’enseignement. « J’ai vécu des deuils par centaines ».

« J’ai passé cinq jours solides à me morfondre dans mon lit. Puis je me suis dit : j’ai le choix de capoter ou de continuer à peindre. Vu que je n’avais plus accès à mes modèles, que j’étais en confinement, je me suis peinte moi-même, comme Frida Khalo, à l’envers, à poignets cassés, à deux mains même, 18 heures par jour. C’était ma façon de m’en sortir financièrement et mentalement, de faire de l’art-thérapie sur moi-même. Pour moi, être artiste, c’est un combat seule. Mais j’ai tellement le feu sacré en moi, tellement de passion ». 

« Un jour, j’ai peint François Legault sur mon visage. Je l’ai envoyé à mes amis, ils ont tous adoré, alors je me suis décidée à le mettre en ligne. En 48 heures, c’était devenu viral ».

Se mettre de l’avant par les réseaux sociaux  

Alexandra a appris à se mettre de l’avant, « un défi de confiance personnelle inimaginable », et à utiliser les réseaux sociaux. « J’avais même pas d’appareil photo, pas assez de maquillage, j’avais jamais fait de live. Je me suis toujours cachée derrière mes mannequins. Tout à coup, je devais montrer qui j’étais, mettre mon corps et mon visage à l’avant-scène, avoir des opinions et parler à mes fans. Mais j’ai rapidement réalisé que je n’avais pas le choix, c’était moi le branding ! C’est la survie qui m’a poussé à me mettre de front, et ça a changé ma vie ».

Certes, plusieurs entretiennent une relation amour-haine avec  les réseaux sociaux.. « Les gens ont besoin de savoir qui tu es, d’où tu viens, ce que tu aimes, ce que tu fais, quelle est ta démarche artistique, ton processus créatif, ton background, etc. Quand tu es un artiste entrepreneur, je pense que tu n’as pas le choix de te mettre de l’avant, je ne vois pas comment tu peux passer à côté en 2022. C’est comme ça que les gens peuvent s’attacher à toi, en te connaissant, en jasant avec eux. Il faut leur donner envie d’acheter une œuvre de toi », insiste Alexandra.

Si elle a été touchée au départ par les critiques et les commentaires à son égard, Alexandra est aujourd’hui assumée. Elle a les cheveux mauves. Elle scintille, elle pétille. Depuis deux ans, elle fait du body painting sur elle-même, elle anime, elle chante, elle fait des capsules vidéo, des personnifications, des shows de télé, des murales, de l’art public. « Sur ma bucket list, j’en ai coché des affaires ! Je maîtrise pas mal tous les médiums artistiques et je sais comment mettre de l’avant mon unicité pour me vendre en tant qu’artiste. Maintenant, je vais laisser la vie me guider ». L’artiste pluridisciplinaire vient d’apprendre à tatouer…

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« On n’est pas là longtemps, dit-elle. Je les ai vu dépérir et partir, mes personnes âgées. On n’a pas de temps à perdre. Les défis, je les vois maintenant comme des propulseurs. Il faut savoir transformer les fardeaux en cadeaux». 

Pour visionner la rencontre entre Alexandra Bastien et Danièle Henkel, cliquez ici.

À propos de l'auteur(e)

Isabelle Naessens

À propos de Isabelle Naessens

Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.